Numéro 5/6
Editeurs scientifiques :
Editeur : UFR des Arts, Université de Strasbourg
ISSN : 09939970
Parution : avril 1993
Prix :
Epuisé
Figures dans le tapis. Faisant suite à un précédent échange (entre le Dire et le Faire), les métissages proposés par ce nouveau numéro rappelleront tout d’abord ce qui nous paraît être la vocation même de Correspondance(s) : susciter, par l’entrecroisement des mots, quelques liens interdisciplinaires, et dégager sous cette trame hybride la matière de réflexions nouvelles sur l’art (et l’air) de ce temps –quelques figures dans le tapis… Mais la composition particulièrement bruissante de cette livraison ne serait-elle pas – déjà – une manière conséquente de reconnaître ou de revendiquer quelque chose des postures apparemment fort bigarrées de l’ère contemporaine ? On conviendra en effet que la création artistique en appelle aujourd’hui au composite, et se réclame, précise ment, de l’entre-deux, du mixed-media (pour ne rien dire du médiatique, qui participe au brouillage des hiérarchies et des catégories traditionnelles…). Truismes sans doute, mais peut-être n’a-t-on pas assez observé que ce goût pour l’hétérogène ou l’hétéronome obéissait en définitive à un mouvement exactement inverse de celui qui portait jadis les Modernes vers le pur et l’autonome. Car voilà en effet que les tables rases des artistes-ingénieurs disparaissent sous les patchworks des bricoleurs, que les eugénistes de l’ère conceptuelle font place aux rebouteux des temps de crise. Que l’art, en somme, n’est plus une affaire très claire, ni très pure… En ce sens – celui d’un tel retournement – quelques problématiques se sont imposées. En premier lieu, il fallait nous interroger sur la soi-disant évidence de cet impur – ce refoulé de la pensée « moderniste » - dont tout œuvre, ou tout medium mixte, seraient nécessairement le signe (voir les articles de B. Guelton, M. Guillot, et de J.-F. Robic et, sur l’essence métisse du pictural, ceux de J. Gilles et de J. Salto). A ce titre, l’approche poïétique des œuvres appelait également à nuancer quelques partis-pris théoriques trop convenus (voir notamment les témoignages de J. Barral et de P. Compas). Enfin, l’étude d’artistes aussi singuliers d’Alain Bourges ou Pascal Kern, pourra montrer en quoi le mélange des « genres » déborde largement l’anecdote formaliste ou Post-Moderne. Car si l’art a cessé de tendre vers lui-même, c’est qu’il lui est parfois redonné l’occasion d’une tension nouvelle, l’occasion d’un dialogue avec l’autre, (le monde, l’étranger, le métaphysique, comme on voudra…). Le lieu de l’art, qu’on ne saurait (suivant G. Roesz) réduire à un simple « milieu », s’énonce alors comme celui d’une altérité nécessaire (D. Roth), parfois conviviale (lorsque l’ironie de Satie s’en mêle…) mais le plus souvent inquiète, voire nostalgique : les œuvres métissées de Debussy ou de Gorecky ne témoignent-elles pas en effet de la même incertitude que celle qui hante l’identité du cinéma africain ? Et si l’usage de la citation, comme le goût du pastiche ont pu générer la fiction d’un art intemporel et impersonnel, on apercevra ici – à travers l’œuvre d’authentiques métis comme celle des chicanos ou du peintre Maïpouri-Laborde – que la véritable figure du métissage relève moins de l’impureté que de l’exil, de l’écart – du mélancolique.