Ce champ de recherche se propose de penser l’art comme un espace où se manifestent les frottements entre des mondes. Loin d’une vision du politique ancrée dans l’idée d’un rapport de forces permanent, il s’agit ici d’envisager le politique comme un événement, celui d’une confrontation entre des mondes imaginés comme des horizons de significations solides et homogènes. Ces rencontres, bien que conflictuelles, portent en elles le potentiel d’un dialogue, d’une transformation, et très souvent d’une réinvention.
Dans un contexte où les interactions entre mondes génèrent des luttes d’une urgence éthique, historique et scientifique incontestable, ce champ de recherche souhaite explorer les réponses multiples que l’art est capable de proposer. Car ces luttes sont à la fois des résistances face à des formes d’oppression, des quêtes d’émancipation et des volontés collectives de liberté. Elles sont aussi les signes d’une dissonance ou d’une volonté de domination et d’appropriation. En elles, se dessine une dynamique que l’art peut nommer, identifier, accompagner et orienter. Loin d’une simple réponse, les pratiques artistiques sont également susceptibles d’être des formes d’anticipation et de démonstrations imaginaires des collisions à venir tout comme des forces de proposition pour développer d’autres perspectives.
Pour appréhender ce champ de recherche, plusieurs groupes de travail étudient trois thématiques mises en exergue.
1. Les territoires autres
Le groupe de travail « Territoires autres » aborde les luttes qui se manifestent souvent dans un espace qu’elles définissent en territoire. Les territoires deviennent alors le lieu des relations. Ils ne sont donc pas des espaces limités mais leurs marges sont constamment repoussées. C’est ainsi qu’ils deviennent plastiques, des Territoires Autres, façonnés à l’image des déplacements et des frontières continuellement retracées. Sur et par ces territoires, se traduisent les croisements de mondes et se définissent des figures sociologiques comme celles de l’ennemi, l’étranger, l’exilé… et se recomposent des catégories spatiales tel le paysage, le milieu et le pays.
2. les interactions humains / non humains
Le groupe de travail « Interactions humains / non humains » souhaite penser aussi les stratégies artistiques impliquant des partenaires non-humains, issus du biotope. Il s’agit de penser aux formes et aux conséquences des collisions de ces formes de vie ou d’intelligences multiples humaines et non humaines. Qu’il s’agisse de pratiques prenant acte de ces croisements et de la collision d’un monde contre un autre, ou des procédés artistiques œuvrant pour la stimulation de ces rencontres, ce groupe de travail, qui s'associe à l’ITI SWITCH (Durabilité de l’eau et des villes), souhaite penser ces interactions humains / non humains comme des alliances susceptibles de devenir des rapports de pouvoir.
3. Des vies qui ne valent rien
Enfin, lorsque des mondes d’errance ou d’exil rencontrent puis traversent des mondes solides tels des forteresses, une effervescence politique se produit. La dignité des vies liquides se heurte à la logique économique du marché. Elles deviennent Des vies qui ne valent rien : celles des étranger.es, des humilié.es, des exilé.es, de celles et ceux tapis dans l’ombre du langage et qui campent les marges de la terre. Le groupe de travail « Des vies qui ne valent rien » estime aussi que l’art peut être le lieu d’un travail de résistance aux diverses formes d’appropriation, d’exploitation ou d’annihilation de la vie humaine et des conséquences réelles et objectives qui en résultent. Il souhaite, à ce titre, penser les méthodes et les discours que le geste artistique, en alliance directe ou indirecte avec les luttes collectives pour la dignité, est capable de mobiliser pour repenser et déconstruire cette intrication profonde entre la vie et sa valeur.