En bref
Ce groupe cherche à interroge les rapports entre d’une part ces objets (images, mais aussi composites de textes et d’images), d’autre part la connaissance. Les enjeux épistémologiques se donnent à entendre dans deux questions complémentaires : que savons-nous des images et des objets graphiques ? Qu’est-ce que les images et les objets graphiques nous permettent-ils de savoir ?
Le première question nécessité de se demander quelles connaissances nous avons des images, comment les définir et en faire des objets de connaissances. Que savons-nous des images et du design graphique ? Quels ensembles théoriques peuvent nous permettre de les appréhender ? En matière d’images, ce genre de question est à replacer dans une tradition réflexive incroyablement riche que l’on peut évidemment faire remonter à l’Antiquité (où l’image, sous ses différents noms, eikôn, phantasma, eidôlon, est d’emblée posée comme un objet de réflexion philosophique). Les savoirs sur les images prennent cependant une tournure résolument différente au moment de la modernité, puis dans les années 1980, alors que s’affirment les contours d’un ensemble d’approches que l’on peut qualifier, pour le dire rapidement, d’études visuelles (Alpers et al. 1996, Mirzoeff 1999, Boidy 2017). Les études visuelles ou études de culture visuelle sont sensibles aux usages ordinaires des images, aux enjeux politiques des pratiques visuelles et de la représentation, à l’agentivité et au rôle opératoire des images. Cette recherche s’inscrit dans le prolongement de telles approches en déplaçant la focale vers des objets « graphiques » qui ont été peu étudiés par les études visuelles anglo-américaines ou germanophones : identités visuelles (que l’on appelle parfois « images » de marques), cartes, formulaires, schémas, médias graphiques en tous genres. Si le fait que ces médias s’adressent au regard peut justifier de les ranger dans la grande catégorie des « images », il ne faut pas oublier qu’ils comprennent aussi des textes, des inscriptions, des lettrages de formes diverses, qui sont autant destinés à être lus qu’à être vus. Si la question – que savons-nous des images ? – peut sembler ici abyssale et moins adaptée à travail de recherche qu’à un travail encyclopédique, elle reste néanmoins un point d’entrée tout à fait pertinent tant qu’elle met à profit, autant qu’« au travail », les développements récents que lui ont consacrés des auteurs comme Gottfried Boehm ou WJT Mitchell. Dans ce sens, il s’agit d’envisager l’image et ses déclinaisons comme une médiation, un milieu, qui ne se laisse jamais appréhender de manière directe (Mersch (2016) 2018) mais qui implique à la fois d’être attentif à ses formes techniques aussi bien qu’aux publics et aux usages qu’elles engagent. Approche indirecte ou « négative » (Mersch (2016) 2018), une épistémologie des images semble devoir passer par un travail avec les images, où l’observation de phénomènes de remédiation (Bolter et Grusin 1999), de citations visuelles et de ces dispositifs si particuliers que sont les metapictures (Mitchell 1994) ou les expériences visuelles de pensée, devraient occuper une place de premier choix. Le dispositif technique inédit et singulier déployé par la plateforme Cultures visuelles est un outil de recherche qui permet de mettre les images au travail, de donner corps à une recherche qui donne une place de premier plan au montage et la conception visuelle – que par ailleurs on appelle « design graphique ».
La seconde question nécessite de se demander comment les images et les objets graphiques entrent dans des dispositifs qui visent à produire de la connaissance. Qu’est-ce que les images donnent à comprendre de ce dont elles sont les images ? Ces différentes médiations visuelles que sont la photographie ou l’illustration, la visualisation ou la schématisation ne laissent jamais indemnes les phénomènes qu’elle permettent d’appréhender. C’est du moins ce qu’ont déjà mis en évidence les travaux de Bruno Latour sur les inscriptions (Latour 1985; 1991) et plus largement les études visuelles de sciences qui se sont développées depuis une quinzaine d’années (Bigg 2012). Si notre connaissance du monde peut passer par des images, de nombreuses questions se posent encore sur les inflexions particulières qu’engagent les procédures graphiques et visuelles, dans des modes d’expression qui procèdent du montage, de la schématisation ou de l’organisation spatiale du texte et de l’image. Et si l’image scientifique semble ici concernée en premier lieu, bien d’autres catégories d’objets – filmiques, numériques, ou objets de médiation – méritent d’être étudiées sous le prisme des rapports entre image et savoir.
Ce groupe de travail sur la thématique « » ambitionne de répondre ainsi à un aspect d'un champ de recherche plus large que sont les « Epistémologie des images et du design graphique ».