Utopies de la gratuité de 2016 à 2018

En bref

     Pourquoi était-il nécessaire de s’interroger à nouveau sur la gratuité, après les travaux de Jean-Louis Sagot-Duvauroux (Pour la gratuité, 1995 ; De la gratuité, 2006), qui explorent les voies possibles d’une émancipation de l’homme, en argumentant sur les bienfaits d’une gratuité quasiment étendue à tous les domaines de l’existence ? Il se trouve que, même si l’imaginaire collectif peut associer la gratuité à une utopie – comme « plan imaginaire de gouvernement pour une société future idéale, qui réaliserait le bonheur de chacun » (CNRTL) –, la notion reste très ambiguë et problématique, en théorie comme en pratique.

     Rappelons que le terme « gratuité », qui est chargé de connotations aussi bien positives que négatives, peut signifier, au sens propre, « ce qui est fait ou donné, […] ce dont on peut profiter sans contrepartie pécuniaire », et par extension, « ce qui est fait ou donné […] sans recherche de compensation » (CNRTL). Mais il peut encore être associé, au sens figuré, à « ce qui ne repose sur rien, […] ce qui n’est pas fondé, justifié », ou « ce qui est fait sans but déterminé, […] ce qui ne sert à rien » (CNRTL), et alors devenir une chimère ou un dangereux travers. Il semble donc intéressant d’interroger la gratuité depuis le champ diversifié des arts, dans le cadre des préoccupations qui sont celle de l’ACCRA.

Participants

Cadre de la réflexion et premières références iconographiques et théoriques

     La gratuité de l’art peut a priori sembler un leurre, en raison des nécessaires coûts de création et/ou de production des œuvres, lesquels peuvent de surcroît se multiplier selon le nombre d’artistes, de techniciens ou d’administratifs à mobiliser, par exemple lorsqu’il s’agit d’assurer un circuit de diffusion à grande échelle. Or, il s’agit, précisément, de montrer que l’art et la gratuité peuvent faire bon ménage, parce que de nombreux artistes revendiquent avec force ce partage non marchand de l’art, ou le coût minimal de l’œuvre, pour des raisons aussi bien économiques, idéologiques qu’esthétiques, et parce qu’ils sont nombreux à faire en sorte que la gratuité existe sous diverses formes.

     Les participants ont souhaité envisager, non seulement différents arts – théâtre, danse, cinéma, musique, arts plastiques ou arts de la rue –, mais également croiser plusieurs champs ou postures d’analyse – économie, politique culturelle, éthique, théorie esthétique ou processus créatif –, de manière à offrir un panorama diversifié de gratuités, et au-delà du don ou du partage de valeurs ou de biens communs.

     Premières pistes iconographiques (arts plastiques, danse, cinéma, musique, théâtre de rue) :

     Premières pistes théoriques :

  • BENJAMIN Walter, L’Œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique,inEssais 2 (1935-1940), Paris, Denoël, 1971.
  • BLOCH Ernst, Experimentum Mundi. Question, catégories de l’élaboration, praxis (trad. et notes G. Raulet), Paris, Payot, 1981.
  • FARCHY Joëlle, Maréchal Cécile, Sire Guillaume, La Gratuité à quel prix ? Circulation et échanges de biens culturels sur Internet, Paris, Presses de l’Ecole des Mines, 2015.
  • FAURE Christian, GIFFARD Alain, STIEGLER Bernard, Pour en finir avec la mécroissance, réflexions d’Ars Industrialis, Paris, Flammarion, 2009.
  • LAGARCE Jean-Luc, Du luxe et de l’impuissance, Besançon, Les Solitaires Intempestifs, 2004.
  • NAUGRETTE Catherine (dir.), Pratiques et esthétiques, t. 3, Le Coût et la gratuité, Paris, L’Harmattan, 2013.
  • RANCIERE Jacques, Le Spectateur émancipé, Paris, La Fabrique, 2008.
  • RANCIERE Jacques, Le Partage du sensible, Paris, La Fabrique, 2000.
  • SAGOT-DUVAUROUX Jean-Louis, Pour la gratuité, Paris, Desclée de Brouwer, 1995 ; rééd. De la gratuité, Paris, Editions de l’Eclat, 2006.
  • SAGOT-DUVAUROUX Jean-Louis (dir.), Pour la gratuité des services publics, Villeurbanne, Editions Golias, 2010.
  • SAGOT-DUVAUROUX Jean-Louis (dir.), La Gratuité, éloge de l’inestimable, MAUSS 35, Paris, La Découverte, 2010.

Projet

     Après un appel à participation proposé aux chercheurs de l’ACCRA, puis élargi à d’autres unités de recherche, le groupe de recherche « Utopies de la gratuité » s’est constitué. Des séances de travail de 2 h ont réuni, chaque mois, les participants de janvier 2016 à décembre 2017. Les contributions ont ensuite été individuellement finalisées, et collectivement relues, avec proposition progressive d’un agencement en quatre chapitres en 2018.

     L’élaboration du manuscrit Utopies de la gratuité (et sous-titre Droit, économie, esthétique & histoire des arts) a, cette fois, été pris en charge par Aude Astier, Nathalie Bittinger, Sylvain Diaz, Claude Forest et Geneviève Jolly – chapitrage, introduction, conclusion, etc. – (2018), et est en cours de publication.