Ce travail de recherche tente de redéfinir l’émancipation intellectuelle et sensible que permettent certaines expériences cinématographiques. « Le spectateur, pour l’auteur, n’est autre qu’un autre auteur » écrivait Pasolini. Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, Harun Farocki et Pedro Costa (mais également Jean-Claude Rousseau,James Benning, Robert Kramer, ou parmi les jeunes cinéastes, Wang Bing, Albert Serra et Lisandro Alonso) inventent des dispositifs cinématographiques qui profanent le cinéma. En déconstruisant le langage cinématographique, en mettant au jour leur« armature artistique », les films profanes libèrent et transmettent des énergies, des capacités d’imagination et de production (ou création). Les cinéastes profanes ne se déclarent pas éducateurs ou enseignants. Leur fonction n’est pas de communiquer un message, de donner une leçon ou de transmettre un savoir au spectateur. Ils considèrent le spectateur comme un égal, « un collègue éventuel ». Ils disséminent les traces de leur travail dans leurs films. Le spectateur peut alors recueillir ces traces afin de reconstruire une méthode de production, de fabrication, d’un film. La transmission d’une méthode (ou d’une énergie créative) nécessite une rencontre entre un cinéaste qui a l’intention de transmettre – par la bande – un savoir faire, une manière de représenter, de mettre en image une expérience, et un spectateur qui reconnaît dans les traces la maîtrise de l’auteur et souhaite l’exproprier de ce savoir faire.