Cette thèse s’attache à élucider le système de répétitions et de variations structurant l’œuvre de Yasujirô Ozu (1903-1963). Archétype d’auteur-cinéaste, Ozu est connu pour sa forme rigoureuse et la répétitivité apparente de ses fictions. Pourtant, tout en ayant été bien identifié et commenté, ce système n’a encore jamais été étudié comme tel, frontalement et systématiquement. Le premier enjeu de ce travail est donc de revisiter la théorie ozuienne, pour justifier la prise de distance avec les analyses culturalistes, remettre en question les hiérarchies autour des films ou de leurs thématiques, et réhabiliter les fictions ozuiennes (souvent considérées comme des éléments négligeables). Le second enjeu est de proposer, à l’aide d’analyses formelles rigoureuses et au renfort d’autres champs théoriques, comme la phénoménologie, les études littéraires ou la psychanalyse, un nouveau modèle pour comprendre le cinéma d’Ozu. Celui-ci se construit autour de trois notions-clés. Le quotidien, qui permet d’analyser les histoires, les personnages et la facture même du monde fictionnel. La multiplicité de l’univers, qui admet l’influence réciproque des films et envisage la répétition non plus comme un socle mais comme une dynamique productrice de sens et d’affects. Le désir, enfin, qui accorde une explication à ce complexe de variations qui élaborent une réparation fictionnelle du monde afin d’encourager l’amour inconditionnel de celui-ci.
This thesis seeks to elucidate the system of répétitions and variations structuring the work of Yasujirô Ozu (1903-1963). Considered as an archetype of an author-filmmaker, Ozu is well-known for his rigorous form and the obvious repetitiveness of his fictions. However, even though this system has been identified and commented on, it has never been frontally and systematically studied. Therefore, the first concern of this work is to revisit Ozuian theory, to justify our distance from culturalist analyses, to question the hiérarchies around films or their themes, and rehabilitate Ozuian fictions (often considered as negligible elements). The second concern is to offer, based on rigourous formal analyzes and other theoretical fields such as phenomenolohy, literary studies or psychoanalysis, a new model for understanding Ozu’s cinema. This is built around three key concepts. Everyday life, which allows us to analyze stories, characters and the very structure of the fictional world. Multiplicity of the universe, which accepts the reciprocal influence of films and considers repetition no longer as a base but as a dynamic producing meaning and affects. Desire, finally, which provides an explanation for this complex of variations which develop a fictional repair of the world in order to encourage unconditional love of it.