Marion Serfati Transformer l’inhibition créative en ressource : la prise en soin art-thérapeutique de deux adolescentes en situation de handicap mental à l’I.M.E.

En bref

Le 27 septembre 2024
à 14h00

Misha (université de Strasbourg)
5 allée du Général Rouvillois, 67000 Strasbourg
salle Table ronde

Tram C/E/F arrêt Observatoire

Entrée libre

 

     Marion SERFATI soutient le vendredi 27 septembre 2024 sa thèse en arts visuels intitulée « Transformer l’inhibition créative en ressource : la prise en soin art-thérapeutique de deux adolescentes en situation de handicap mental à l’I.M.E. », et effectuée sous la direction de Corine PENCENAT (maître de conférences HDR émérite en arts visuels à l'université de Strasbourg, membre du CREAA et de l'ACCRA) et de Silke SCHAUDER (professeur l'université Picardie Jules Verne) à l'université de Strasbourg et avec le soutien du CREAA et de l'ACCRA.

Composition du jury

     Le jury est composé de :

  • Marion BOTELLA, maître de conférences en psychologie à l'Université Paris-Cité (France) - rapporteur
  • Géraldine CANET, art-thérapeuthe et psychanaliste
  • Barbara FORMIS, maître de conférences HDR en philosophie et esthétique à l'Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne (France) - rapporteur
  • Stefan KRISTENSEN, professeur en esthétique à l'Univeristé de Starsbourg (France) - président du jury
  • Corine PENCENAT, maître de conférences HDR émérite en arts visuels à l'Université de Strasbourg (France)
  • Silke SCHAUDER, professeur en psychologie à l'Université Picardie Jules Verne (France)
  • Guillaume SIBERTIN-BLANC, professeur en philosophie à l'Université Paris 8 (France)

Résumé / Abstract

     Le processus de création est un cheminement au cours duquel des éléments non conscients parviennent à une mise en forme qui tout à la fois les désigne et les masque. Le mécontentement du créateur face au résultat qui le surprend et lui déplaît est une conséquence possible d’une création plastique relevant de l’intimité du sujet et perçue comme décevante. De multiples endroits de la chaîne idéomotrice du geste créatif sont susceptibles de subir des interférences et des achoppements, et de faire alors émerger la honte comme conviction d’un manque de valeur. Les créations disqualifiantes, comme des rebuts ou des déchets plastiques, viennent alors requestionner douloureusement l’image de soi : les erreurs, traces visibles de l’idéal de valeur manqué et mis en cause, sont alors des déclencheurs d’affects dysphoriques. Mais dans la mesure où un rebut ne l’est qu’au regard du contexte dans lequel il s’inscrit, peut-on envisager un destin alternatif à une « erreur » plastique, si elle est placée dans un environnement esthétique et relationnel qui non seulement ne souffre pas de sa présence, mais en propose une continuité et un aboutissement perçus comme manifestement valables par le patient ? Nous explorons ainsi les modes de réappropriation possibles de l’expérience esthétique perturbante, chargée de honte et de rejet, en nous appuyant sur la théorie des arts et de l’esthétique et les modèles des processus inconscients à l’oeuvre dans la création. Enfin, deux études de cas nous permettront d’observer le cheminement dans l’inhibition et la réappropriation de celle-ci de deux adolescentes en situation de handicap mental, proposant que l’ouverture à l’expérience générée par la pratique créative accompagnée régulière engage un mode de pensée résilient face à ces achoppements pouvant, autrement, être critiques pour l’équilibre psychique. Nous proposons alors d’identifier un processus de changement permettant à ce qui est considéré comme un déchet plastique par le patient, perçu comme « moche », de devenir une condition de possibilité de constructivité et donc vécue positivement. Nous examinons ainsi le processus de transformation du statut et de la place de ces éléments-rebuts par l’accueil du trouble que l’« erreur » produit et le retravail de la créativité, et les potentialités thérapeutiques qui ressortent de cette réappropriation progressive et accompagnée, dans le cadre d’un suivi art-thérapeutique. L’échec en général peut alors être éprouvé comme heuristique, occasion de rebond, et étayage d’un mode inédit de subjectivation, et donc une potentielle ressource. Nous avons appelé cette modalité inhabituelle de maturation de la honte et du rejet de ces « déchets » plastiques, la curiosité autocompassionnelle créative.

     Creative process is a journey through which unconscious elements attain a form that simultaneously reveals and conceals them. The creator’s dissatisfaction with an unexpected result, which surprises and displeases them, can be a possible consequence of a creative process that touches the subject's intimacy and is perceived as disappointing. Various points along the ideomotor chain of the creative gesture are susceptible to interferences and obstacles, causing shame as a conviction of a lack of value to emerge. Disqualifying creations, such as waste or plastic debris, then painfully re-question self-image: mistakes, visible traces of the failed and challenged ideal of value, become triggers for dysphoric affects. However, considering that waste is only waste in the context it is placed in, can we envision an alternative fate for a plastic “mistake” if it is placed in an aesthetic and relational environment that not only tolerates its presence but offers a continuity and outcome perceived as valid by the patient? We explore the possible modes of reappropriation of the disturbing aesthetic experience, laden with shame and rejection, drawing on art and aesthetic theory as well as models of unconscious processes at work in creation. Finally, two case studies allow us to observe creative inhibition and its transformation in two adolescent girls with mental disabilities, proposing that openness to the experience generated by regular accompanied creative practice fosters a resilient mode of thinking in the face of these potentially critical obstacles for psychic homeostasis. We then propose to identify a change process allowing what is considered plastic waste by the patient, perceived as "ugly," to become a condition for constructivity and thus experienced positively. We examine the transformation process of the status and place of these waste elements through the acceptance of the disturbance produced by the “mistake” and the reworking of creativity, and the therapeutic potentials emerging from this progressive and accompanied reappropriation within the framework of art therapy. Failure, in general, can then be experienced as heuristic, an opportunity to bounce back, and support for a novel mode of subjectivation, and thus a potential resource. We have called this unusual mode of maturation of shame and rejection of these plastic "waste", creative self-compassionate curiosity.