En 1965, Roman Opalka ouvre son nouveau programme de peindre le temps en inscrivant la progression continue des nombres. Désormais, l’artiste remplit chaque toile par des séries de nombres blancs sur fond noir qui s’éclaircît, et ceci jusqu’à la fin de sa vie. Opalka livre à nos yeux sa vie, sa durée. Le « moi » de l’artiste et le sujet représenté sont inséparables. Ce travail s’intéresse à la valeur intime et artistique du programme d’Opalka. Il analyse les possibilités de penser le temps par l’intermédiaire de l’art et questionne les conditions d’une apparition plastique du temps, ainsi que les structures de cet apparaître. Les analyses phénoménologiques de Husserl et Heidegger au sujet du temps aident à découvrir le fait que les œuvres de Roman Opalka révèlent un apparaître du temps et non pas le temps en tant que tel. Dans la démarche opalkienne, il ne s’agit pas de pénétrer la manière dont le temps est saisi, mais la façon directe selon laquelle le temps est « éprouvé». A travers l’examen de la surface monochrome, ce travail analyse la partie indicible de la peinture, c’est-à-dire le silence d’une trace artistique. Il aborde également la question de l’éphémère et de l’inapparent, pour se focaliser ensuite sur la manière dont Opalka relève la catégorie d’éphémère au rang d’une nouvelle dimension de l’art. Cela permet de développer l’idée selon laquelle cette peinture donne à voir l’apparaître même et non pas ce qui apparaît. Ces recherches se concentrent également sur la problématique de la finitude, qui est au centre de la réflexion opalkienne sur le temps. Parce que cette existence picturale révèle non seulement une mise en corps de la vie, mais aussi sa mise à mort.