Lors de la conférence de Carême qu'il prononça à Notre-Dame de Paris, le 21 février 1999, le père Jean-Robert Armogathe rappela que la voix de l'orgue offre un accès privilégié au sacré, en contribuant à la création d'un « espace de sensibilité » favorable à la rencontre du transcendant. La méditation musicale des orgues permet, selon lui, de pénétrer dans la compréhension du mystère divin, qui, comme l'affirme le Nouveau Testament, est demeuré caché aux puissants, se dévoilant au cœur des humbles et des petits. Depuis l'époque patristique, le culte chrétien attribue à l'orgue une fonction théologale et mystagogique, qui introduit le sujet croyant dans une expérience du divin, d'ordre tant rationnel qu'émotionnel. La méthode allégorique fondée par Origène et Tertullien, illustrée par l'Ecole française de spiritualité (Olier, Grimaud, Thomassin), puis par les catholiques romantiques (Lamennais, d'Ortigue, Chateaubriand), légitime la présence de l'orgue dans le sanctuaire, tout en précisant son rôle dans la scène cérémoniale. Sa structure sonore offre une représentation sensible des réalités invisibles du kérygme chrétien : la multiplicité des tuyaux, le vent émis par les soufflets et les sons prolongés évoquent respectivement la communion des Saints, le souffle de l'Esprit et l'Eternité divine. L'orgue est un signe sacramentel qui participe, selon Jean-Yves Hameline, à une poétique sonore de la foi. Faisant écho à la crise liturgique suscitée par les dernières décisions conciliaires, cette étude vise à rappeler ce que l'Eglise catholique demande à ses musiciens, en incitant à une re-estimation du rôle de l'orgue dans « l'écologie sonore » de la célébration. Quels sont les critères de convenance - théologiques, rhétoriques et stylistiques - qui mesurent l'aptitude d'un instrument ou d'un répertoire à participer à la célébration du culte catholique ? Comment cette question a-t-elle influencé la praxis des organistes français depuis le Concile de Trente ?