Dans cette thèse, nous nous intéressons aux relations spécifiques entre l’architecture et la philosophie dans une période bien précise de l’histoire de l’architecture. Notre recherche consiste en une analyse approfondie du processus de la conception architecturale approchée à partir de la philosophie de la déconstruction. Il ne s’agit pas d’aborder de façon générale le domaine trop vaste des emprunts que les architectes peuvent faire à la philosophie, mais bien de se limiter à une entrée beaucoup plus précise, en partant d’une interrogation portant sur les relations que les architectes dits « déconstructivistes » entretiennent avec un courant de la philosophie connu, depuis les écrits du philosophe français Jacques Derrida, sous cette même appellation de « philosophie de la déconstruction ». L’enjeu est d’étudier le processus de conception architecturale, son passage par des concepts et son aboutissement dans des formes, en le référant à la philosophie et en se demandant en particulier comment les architectes utilisent des références philosophiques. Pour arriver à une assimilation plus rigoureuse de la pensée déconstructive en architecture, l’architecte américain Peter Eisenman a proposé une interprétation du processus de conception architecturale proche de la logique textuelle. Ce processus s’appellera chez Eisenman la « décomposition ». Notre problématique majeure sera d’essayer de comprendre quels outils à la fois théoriques et pratiques utilisent les architectes contemporaines afin de restructurer une conception architecturale influencée par la pensée déconstructive ? Le but était d’arriver à donner à la déconstruction en architecture un aspect et une définition précis, au-delà loin des seules images métaphoriques que certains architectes peuvent proposer de cette notion. De là dépendait le choix des œuvres analysées comme exemples de ce mouvement, mais aussi l’élucidation que nous tentions du processus de conception architecturale issu de cette notion de déconstruction. Notre but était de parvenir à donner une figure esthétique, théorique, fonctionnelle et opérationnelle à un mouvement architectural. Nous avons construit notre projet de recherche autour de quatre problématiques et hypothèses majeures qui résument de façon générale le chemin parcouru. La première interrogation vise l’origine de ce mouvement, dans la mesure où il est au croisement de ses deux disciplines divers, la philosophie et l’architecture. Est-il possible que ce mouvement soit le fruit d’une transformation philosophique en architecture, détaché de toute théorie architecturale antérieure ? Ou bien n’est-il que le développement d’une ou plusieurs idéologies antérieures en architecture ? Notre deuxième interrogation est orientée vers une compréhension de la source philosophique – les écrits de Jacques Derrida – et le processus d’une critique de la métaphysique chez le philosophe. Qu’est-ce que la déconstruction? La troisième interrogation vise une analyse concrète entre les données philosophiques et les œuvres architecturales. Comment l’architecture, art de construction par excellence, peut-elle devenir une déconstruction d’elle-même ? Dans quelle (s) limite (s) est-il possible de réduire la déconstruction à des connaissances définissables, comme semble malgré tout l’exiger l’architecture ? Ainsi, la dernière interrogation principale de notre projet vise l’impacte de ce mouvement sur l’architecture en globale et l’architecture contemporaine.