Ce travail de recherche contribue au questionnement sur les nouveaux enjeux de conception soulevés par le design critique. A plusieurs égards, le corpus de cette thèse repose sur une histoire de la contre-histoire. Une manière de faire et de penser dont l’historicité la plus évidente se situe à la fin des années 1960, lorsque certains designers ont souhaité porter le projet vers la mise en œuvre d’un écart afin d’interroger la société par les moyens du design. Une attitude qui instaure la conception à l’instar d’une logique de la désadaptation des habitudes et des manières conventionnelles de penser.
La notion de critique, du grec krinein, qui signifie « séparer », « partager », « distinguer », prend ici tout son sens en instaurant, non pas une rupture, mais un déplacement, qui aménage des entre-deux et ménage des porosités de la pensée et de la conception. De l’individu augmenté à l’individu modifié, cette thèse révèle de surcroît, l’inquiétude d’une mainmise au delà de l’invention de l’artificiel et aux abords du biologique. Les transformations du commun se donnent à lire au travers du corps qui se fait support de visibilité. Des hétérotopies où les hybridations, les accidents, vont à l’encontre du conditionnement et d’une normalisation de la création. L’artefact n’est plus la condition de l’inertie matérielle, mais l’état d’un fragment, d’une prothèse qui complète l’homme et met en exergue une relation de l’infra-organique. Au gré d’un épuisement de la question du critique en design, nous décelons des moyens de déconstruire les systèmes de la discipline et ses réinventions.