Cette thèse considère la « pop music » du point de vue harmonique, ce qui en fait, en France, un travail de pionnier : au lieu de traiter les enjeux sociologiques liés à la production ou à la réception de ce répertoire, elle se propose, en effet, de l'analyser. La décision de considérer enfin la « pop music » comme un produit artistique, et non seulement commercial, permet de faire surgir les questions musicalement les plus intéressantes : s'agit-il d'une musique modale, tonale, ou « mixte » ? À mon sens, l'histoire séculaire de la tonalité ne peut que conditionner l'écoute contemporaine d’une musique basée sur une mélodie accompagnée. En partant de ce postulat, je cherche à mesurer l'écart entre la tonalité classique, utilisée comme référence, et la tonalité de la « pop music ». Disparition de la sensible, prédilection pour les parallélismes, affaiblissement de la fonction de dominante et affirmation contextuelle de la fonction de sous-dominante sont les axes autour desquels s'articule cette recherche, et plus de cent transcriptions, allant des années soixante à nos jours, viennent appuyer ces considérations. Au-delà des aspects techniques, je parviens à la conclusion générale que le langage de la « pop music » se fonde sur une forme de tonalité que je qualifie (en empruntant l’expression pensiero debole au philosophe Gianni Vattimo) de tonalité faible. Bien qu’avec d’autres moyens que ceux de la musique savante contemporaine, la « pop music » doit elle aussi refonder, à chaque pièce, sa propre syntaxe, afin de créer du sens dans un monde qui n’a plus de Vérité. À travers ce travail, le monde musical actuel apparaît enfin un peu moins schizophrène qu’il n’en avait l’air.