La compréhension des mots qui forment le lexique du monde de l’art est une nécessité pour l’artiste contemporain. Néanmoins, le sens de chaque notion, de chaque concept, pour celui qui est le pratiquant d’art, doit demeurer personnel. Ceci est la position d’une artiste peintre, une position fluide de la psyché d’une faiseuse d’images et d’une pratiquante (presque religieuse1) de la peinture. Elle se forme principalement à partir de ces mots : image, mythe personnel, chaman, artiste, mot, aura2, psychanalyse. Le mythe personnel étant un récit propre à la vie individuelle d’un être parlant3, manifeste ainsi l’aspect intime d’une existence. Ce dernier est la source de la démarche artistique visant à reproduire des fragments de cette mythologie.
Cette recherche prend, comme première figure de l’artiste, le chaman, et je me propose de le nommer « artiste-chaman ». Pour bâtir l’identité de l’artiste dans une société contemporaine et métissée, cette recherche s’oriente vers les caractéristiques spirituelles du chaman ainsi que vers la quête d’un sens donné à une spiritualité individuelle. La problématique principale de cette thèse se forme à partir d’une question : L’aura d’une œuvre d’art, en particulier la peinture, est-elle la conséquence d’une démarche mythe-biographique ? Ce travail établit une réflexion sur l’action créative, soumise à une mythologie personnelle. Le concept de mythe dans une imagerie personnelle, ainsi que son lien à l’espace intérieur-extérieur — ce monde qui l’entoure et celui qui l’habite, au travers desquels l’artiste s’identifie en tant que tel — forment ensemble le schéma de ce travail. En regard des caractéristiques communes entre la place du chaman et la place de l’artiste dans une société, cette thèse propose la considération d’un élément mythe-biographique présent dans toute démarche artistique, un élément qui cherche à surmonter l’artiste et à transcender l’être parlant. La mythologie personnelle et l’aura de l’œuvre d’art forment la base conceptuelle de cette thèse. Elle est construite à partir d’une sensibilité personnelle par rapport à l’art. Je propose donc quelques questions : le mythe personnel pourrait-il être le seul sujet d’une œuvre d’art ? L’artiste contemporain est-il un « artiste approximatif »4 ? Qui pourrait être un artiste-chaman ? Cette thèse se construit également autour des problématiques primaires et matérielles de la vie de l’artiste. Où est la place de l’artiste dans la société contemporaine ? Est-ce-que « faire œuvre » est un travail ? Dans la vie professionnelle de chaque artiste, ces questions se posent un jour ou l’autre, et chacun va choisir sa réponse ou va l’inventer. Ma réponse n’est pas claire, car — à part la question de la mort, la réalité de la mort qui fait partie de notre destin — rien n’est clair dans la vie ou dans l’art. La mythologie personnelle est en quelque sorte le chemin tortueux et incertain que j’ai choisi pour aller à la rencontre de mon idée que je me fais de cette thèse. Pour analyser les peintures présentes dans ce travail d’écriture, je mets en place une analyse des éléments de chaque image. Toutes les analyses se forment à partir de l’idée du « mythe personnel ».
1 Le mot « religion » du latin rĕlĭgĭo, signifie : « ce qui attache ou retient », et religo, du ligo signifiant : « lier », Michel Bréal et Anatole Bailly, Dictionnaire étymologique latin, éd. Hachette, Paris, 1885, p. 366.
2 Le concept de « l’aura de l’œuvre d’art » a été inventé par Walter Benjamin dans son livre : l’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique.
3 J’applique le terme de « l’être parlant » — j’ai connu ce terme grâce aux enseignements de Jacques Lacan — car depuis que j’ai rencontré par la voie de mon père, la psychanalyse, j’ai trouvé un fort intérêt pour observer ma psyché par cet angle. Ce terme me semble plus proche de ce que je suis, aussi plus proche de ce que « l’autre » représente pour moi. Les mots et mes confusions de leur sens possèdent une place très importante dans ma démarche artistique et dans ce travail d’écriture.
4 Par l’artiste approximatif je veux entendre, l’artiste qui ne se soucie pas de la culture de son époque et de sa société. Celui qui est seulement dans une démarche marchande et en accord les valeurs du marché de l’art contemporain est un artiste approximatif.