En bref...
Ce séminaire, organisé par Sophie SUMA et Simon ZARA, et avec le soutien de l'ACCRA et de la Faculté des Arts de l'université de Strasbourg, dans le cadre du séminaire interdisciplinaire Transversal Master I et du groupe de travail « Voir avec les images », traite, au cours de séances de travail, différents aspects de la thématique pour lesquels sont éventuellement invités des intervenants extérieurs.
Une inscription préliminaire (sur la plateforme Moodle) est obligatoire pour participer au séminaire (le nombre de places disponibles est fixé à 30 ; les étudiants de Master I non inscrits se présentant au séminaire ne seront pas évalués en fin de semestre, mais toute personne, doctorant ou chercheur, souhaitant assister et participer au séminaire est évidemment la bienvenue).
Au cœur des débats scientifiques et ordinaires traitant de nos cultures visuelles, de nombreuses interrogations – voire incriminations – portent sur les effets des images, sur le pouvoir qu’elles exerceraient. De la posture iconoclaste à celle de l’iconodulie, les images sont accusées de multiples maux : elles sont trompeuses, violentes, idolâtrées, aliénantes, insuffisantes. Leur puissance et leur impuissance, leur omniprésence et leur inconséquence sont tour à tour mises en cause. Si la tradition sémiotique et esthétique s’est davantage attachée à décrypter leur signification ou encore leur réception, certains champs transdisciplinaires anglo-saxons (études culturelles et études visuelles en tête) reformulent la théorie de l’image pour tenter de comprendre ce que font les images ?
Le concept d’agentivité (agency) apparaît alors comme un outil déterminant pour emprunter ce terrain. Dans son approche anthropologique de l’art, Alfred Gell attribue aux objets et aux images une intentionnalité, une subjectivité, une capacité à agir. Requalifiés d’« agents », ces derniers doivent être envisagés comme les causes de la production d’événements dans leur entourage (Gell Alfred, L'art et ses agents – Une théorie anthropologique, Dijon, Les presses du Réel, 2009 [1998]). Gell resitue l’objet d’art au sein d’interactions sociales et envisage l’art en tant que système d’action et non purement symbolique. Pourtant, les critiques formulées à l’encontre de l’entreprise de Gell soulignent une théorie à visée universelle qui manquerait les particularités culturelles. En effet, selon Maxime Boidy et Stéphane Roth, « les images et les relations “ordinaires” que nous entretenons avec elles sont le produit de rapports de forces historiques qui demeurent opérant » (Boidy Maxime, Roth Stéphane, « Avant-propos », trad. de l’anglais par Boidy Maxime, Cilins Nicolas et Roth Stéphane, dans Mitchell W. J. T., Que veulent les images ? : Une critique de la culture visuelle, Dijon, Les presses du réel, Dijon, 2014 [2005], p.10). Il s’agit alors de prendre toute la mesure des dimensions idéologiques de normes sociales, de constructions raciales et genrées qui déterminent l’agentivité des images, et de considérer leur lien avec les initiatives collectives d’empowerment.
Une autre notion clef déployée pour étudier l’agir des images s’inspire du modèle des actes de langage de John L. Austin et John R. Searle : la performativité des images. Austin admet qu’un énoncé est performatif quand celui-ci fait advenir la réalité qu’il formule (Austin John L., Quand dire, c'est faire, trad. de l’anglais par Lane GillesParis, Seuil, 1970 [1962]). Dans l’objectif de savoir si le champ de la parole est applicable à celui de l’image, il est donc important d’éprouver cette filiation avec la sémiologie. Au-delà de faire référence à une conception extensive du langage, il nous faut déborder de l’interprétation logocentrée du pouvoir des images en insérant ces dernières dans un tissu de relations entre des acteurs hétérogènes, mais également dans un réseau sociotechnique. Car si l’image dispose d’une capacité performative, c’est avant tout en se donnant à voir au sein d’une communauté d’actions.