En bref
Le 8 mars 2021
de 11h00 à 16h00
(Université de Strasbourg)
Entrée libre
Journée organisée par Simon ZARA et les étudiants du Master 2 Arts Plastiques « Théorie et pratique » (Yasmine Abdallah, Amandine Bohn, Marina Da Silva, Mariam Imam, Marie Kinnen, Gwendoline Machado Palma, Hana Mtir, Marion Pages, Ricardo Reyes Tafur, Caroline Schmit, Reza Seyfi Zoubaran, Yusaku Tanaka), avec le soutien de l'ACCRA, de la Faculté des arts (Université de Strasbourg) et du CROUS, dans le cadre du groupe de travail Cultures visuelles : médias, savoirs, fictions.
Zoomed Out : néologisme anglais à double sens.
Signifiant à l’origine l’action d’effectuer un « zoom arrière » dans le vocabulaire cinématographique, le terme a été détourné afin de définir dans le langage populaire un état de fatigue avancé dû à la surconsommation de visioconférences durant les périodes de confinement.
Alors que nos interactions sociales relevaient de l’infra-ordinaire (Perec, 1989), du banal, les productions audiovisuelles mettant en scène des contacts physiques nous paraissent aujourd’hui étranges voire extra-ordinaires. Tandis que les rapports physiques se distancient, les dispositifs de médiation impliquant un retour caméra/écran prennent le relais pour constituer la plupart de nos liens au point de peut-être nous saturer. Cet excès, associé à la période de pandémie, a mis en lumière le phénomène de Zoom fatigue (Lovink, 2020). Ce phénomène singulier regroupe de nombreux facteurs – enchaînement de « vidéoconférences », absence de contact physique et visuel, etc. – et serait responsable d’un certain état d’épuisement (cérébral, social, psychologique, physique, psychosomatique…) vécu actuellement par un grand nombre d’individus.
Le regard est une question centrale dans la théorie de l’art mais est aussi fondamentalement transversale, puisque ce dernier est constamment redéfini au fil des théories, des technologies et des politiques. De la différence notoire des termes « voir » et « regarder » résulte la question d’une pensée induite (Didi-Huberman, 1992). Par son intentionnalité, le « regard » se distingue du « voir », il interprète, examine et rationalise. Or, comme la pensée, le regard et sa définition sont sans cesse réinventés. Ceux-ci sont par exemple à dissocier du terme gaze parcourant les théories critiques anglophones, qui renvoie à un regard focalisé, employé pour forger des concepts politiques (male gaze, imperial gaze, white gaze…). L’apparition de nouvelles formes d’échanges de regards via le couple caméra/écran est accompagnée par l’évolution des plateformes d’interactions en ligne qui les révèlent, les distancent et posent la question de leur autonomie. Le regard en tant qu’entité ne peut se détacher d’un exercice intellectuel à la fois conscient et inconscient. Lors d’une visioconférence, l’individu est confronté non seulement aux vidéos des participants mais aussi et surtout à sa propre image en « téléprésence » (Manovich, 2010). Cette modification de paradigme influe nécessaire-ment sur le comportement du regardeur, sur un besoin de performer dans un hall of mirrors ( Geertz Lovink, dans son article, parle d’un hall of mirrors pour définir la démultiplication des écrans lors d’une visioconférence, en référence à la galerie des glaces de Versailles : voir Lovink, Geertz, « The anatomy of zoom fatigue », Eurozine, 2 novembre 2020, consulté en ligne le 15 novembre 2020. [https://www.eurozine.com/the-anatomy-of-zoom-fatigue/]).
Ainsi le regard est singularisé, mis en réseau dans une société performative (Han, 2015) générant la nécessité d’être visible. De fait, le regard influe, agit sur des situations données, nous pouvons alors nous interroger sur sa perfor-mativité. Le regard, bien que subjectif et incorporé (Haraway, 1988), se retrouve dissocié du corps dans les modèles d’échanges inspirés de la plateforme Zoom. En effet, il ne communique plus physiquement mais reste central dans une forme de voyeurisme virtuel et mutuel.
Quelles formes d’espaces communs produisons-nous par l’expérience partagée de ces dispositifs de médiation ?
Afin d’étayer des hypothèses interrogeant ces dispositifs, les savoirs sur les arts et l’art lui-même seront mobilisés en tant qu’outils heuristiques. Les chercheurs et artistes-chercheurs invités proposeront une méthode d’investigation couplée à de multiples champs transdisciplinaires : visual studies, archéologie des médias, économie de l’attention, théorie de la communication, media studies, philosophie…
Pendant une journée découpée en deux temps, les interventions - de nature scientifique, artistique ou hybride - permettront d’explorer les enjeux de réflexion suivants. Les invité·es pourront dialoguer avec le public et réagir aux questions posées via la plateforme de diffusion en ligne.