Demi-journée d'études « Discours et expérience du temps dans la postmodernité : espace qui se temporalise et temps qui se spatialise » 13 avril 2018

Sommaire

En bref

 

Le 13 avril 2018
de 13h30 à 17h40

Palis Universitaire (université de Strasbourg)
9 place de l'Université, 67000 Strasbourg
salle 115

Entrée libre

 

     Demi-journée organisée par Marie HEYD, avec le soutien de l'ACCRA.

     Si la postmodernité a fait l’objet de travaux approfondis de la part de nombreux philosophes et spécialistes en sciences humaines : cette journée d’études souhaite interroger les différentes propriétés de cette notion, ce qu’elle connote, et la façon dont elle contribue à créer une réalité à travers différents champs tels que la musique, l’architecture, le cinéma ou la philosophie. Plus particulièrement, il s’agira d’interroger comment la philosophie de l’espace et du temps qui se met en place à cette période. D’où l’idée de reprendre en sous-titre une formule de Bergson : « temps qui se spatialise et espace qui se temporalise ». Bergson a montré que le temps est ce qui se fait. Il s’intéresse au temps comme durée. Pour lui, les problèmes du temps sont mal posés. Pour fonder une méthode juste, il faut montrer la différence de nature entre penser en espace et vivre la durée, sans négliger les difficultés posées par cette méthode distinctive. C’est partant de ces problèmes philosophiques (comme le montre Bergson, le temps est une succession de temporalité, il se compose d’une durée intérieure mais aussi d’une temporalité extérieure qui est celle du physicien), que nous nous interrogerons sur le temps dans la postmodernité.

     La journée d’études souhaite ainsi revenir sur les différentes définitions de la postmodernité. Alors que la conscience « temporalise » en cherchant son identité dans la force qui la jette sans cesse hors d’elle-même, se condamnant ainsi à ne pouvoir jamais aboutir, et donc à se relancer indéfiniment, et fournissant au temps sa réserve inépuisable ; force est de constater que la postmodernité (tout comme la modernité l’avait fait) semble déplacer le point de vue, en le confrontant à une époque qui souhaite rompre avec une esthétique du goût et de la sensibilité (bien souvent anhistorique), ainsi qu’avec les analyses factuelles et normatives de l’histoire, pour mettre l’accent sur la singularité de l’objet d’art pris dans l’histoire (Rieber Audrey, « Daniel Arasse et la Kunstwissenschaft : une théorie de l’histoire rapprochée de la peinture », Regards croisés, 2013). Si cette dimension était sans doute déjà constitutive de la modernité, la postmodernité se caractérise par une modification perceptive du temps, liée à l’accélération technique, l’augmentation de la vitesse de déplacement, de transmission de l’information et de production (Cf. Corrèges Déborah, « La tyrannie de la vitesse », Revue Sciences Humaines, n°239, juillet 2012). C’est dans ce contexte que depuis quelques années des ouvrages aux titres évocateurs ont vu le jour, du coté des sciences sociales (Accélération de Hartmunt Rosa), de la littérature (Les furtifs d’Alain Damasio), ou encore du cinéma (Interstellar de Christopher Nolan). Du côté des arts plastiques, la notion n’est pas en reste puisque nombre d’œuvres reviennent sur l’idée d’un autrefois multiplié sans fin, rejoignant très souvent le thème de la mort ou de la vanité (on renverra basiquement au crâne en diamants de Damien Hirst intitulé For the love of god).

     Dans ce contexte de réflexion, il s‘agira de regrouper dans un premier axe des interventions censées revenir sur les possibilités de subjectivation du sujet face à une vie politique qui produit une ambiance schizophrène, en proie à la « disruption » (Stiegler Bernard, La Disruption, comment ne pas devenir fou, édition Les liens qui libèrent, 2016), pour reprendre le terme employé par Bernard Stiegler. En effet, selon Stiegler, l’accélération de l’innovation déclenche une déstabilisation permanente que les philosophes qualifient d’ « épokhé ». Alors que les algorithmes court-circuitent tout ce qui contribue à l’élaboration de la civilisation, la solution préconisée est : « Transformer la vitesse en temps gagné pour penser. Une sorte de transformation apprenante qui remettrait en question la data prédatrice, et développerait de nouveaux modes de partage des savoirs… pour un monde plus sag» (Auckenthaler Brice, « Notre monde est fou, flou, flux », Médiapart.fr).

Le deuxième axe sera consacré à la manière dont la postmodernité ouvre sur les simultanéités, la juxtaposition du proche et du lointain, du dispersé. Elle questionnera sur des enjeux plus large, comme l’enracinement anthropologique des sociétés, l’illusion de la transparence ou encore sur les dichotomies creusées entre une géographie fixe, morte, non dialectique et des institutions sociales dynamiques.
L’étude se tournera vers les porosités, les échos et les tensions suscitées par une postmodernité renvoyant aussi bien à la fin de l’histoire, qu’à une préoccupation de globalité et de fluidité. A une époque où le chaos gagne la conscience (celui de l’homme massifié, transformé en pantin d’une société asilaire ou plus rien n’est pour lui possible), celui-ci peut alors s’ouvrir sur des réponses plus positives comme l’union, l’alliance et la création d’une altérité signifiante.
Le passage au numérique, la circulation accélérée des images engendrée par les technologies appelées mass média, qui provoque aujourd’hui l’expansion étrange de la sensorialité, fera l’objet d’une attention particulière.

     Le dernier axe reviendra sur la façon dont les pratiques artistiques dans la postmodernité se constituent comme expérience du temps. L’œuvre d’art pose, à la manière de Proust, le problème du rapport entre deux niveaux d’expérience : la mémoire volontaire et l’apprentissage des signes.