Le 13 avril 2023
de 17h00 à 19h00
(Université de Strasbourg)
Conférence organisée par Sophie SUMA et Vivien PHILIZOT, avec le soutien de l'ACCRA, dans le cadre du cycle « #1 Futurs » lié à la première saison de la webrevue Archifictions.
Le 13 avril 2023
de 17h00 à 19h00
(Université de Strasbourg)
Conférence organisée par Sophie SUMA et Vivien PHILIZOT, avec le soutien de l'ACCRA, dans le cadre du cycle « #1 Futurs » lié à la première saison de la webrevue Archifictions.
La science politique n’est pas très à l’aise pour remettre du futur dans le présent et elle paraît de fait peu équipée pour le faire. La science-fiction, parce qu’elle est précisément une modalité d’exploration de futurs imaginables, pourrait l’aider : elle est devenue un support accessible à la collectivité pour (se) poser des questions et
(se) représenter des changements possibles. Cette intervention vise donc à préciser les fondements (épistémologiques, théoriques, analytiques, etc.) des usages permettant de tirer parti de cette production culturelle particulière. En effet, le registre dans lequel se situe l’utilisation de la science-fiction n‘est pas celui de la fourniture de « preuves », mais davantage celui des expériences de pensée, dont le rassemblement peut alors fournir une autre forme de laboratoire. Dans cette production fictionnelle, c’est la forme du récit et l’assemblage des descriptions qui permettent de travailler des hypothèses. Ces fictions proposent à la fois des visions du monde (par une transposition des préoccupations de leur époque) et des visions de mondes (originaux ou décalés le plus souvent). Elles ont même une particularité supplémentaire : les mondes explorés n’y sont pas donnés, mais construits, en l’occurrence à partir de logiques narratives qui ont aussi des obligations de cohérence même si elles déplacent des séries de paramètres par rapport à des « réalités » connues. Si l’on considère que, par l’activité d’exploration et du point de vue de la connaissance potentiellement mise à disposition, la science-fiction peut remplir un ensemble de fonctions, celles-ci paraissent analogues à celles assignables à la théorie politique : heuristique, pédagogique, critique, éthique. Ce sont ces quatre fonctions qui sont ici explicitées et détaillées, en prolongeant des réflexions déjà entamées sur les possibles usages de la science-fiction, notamment pour montrer dans quelle mesure elle peut être insérée dans un processus de production de connaissance (notamment sur les quatre fonctions mentionnées précédemment). En revenant sur les travaux disponibles et à partir d’un corpus d’œuvres cardinales, il s’agit alors d’expliquer comment cette imagination fictionnelle peut alimenter l’imagination des sciences sociales et offrir des ressources à la pensée (politique) sans abandonner pour autant les ambitions scientifiques.
Yannick Rumpala est maître de conférences en science politique à l’Université Côte d’Azur et directeur de l’Équipe de recherche sur les mutations de l’Europe et de ses sociétés (ERMES). Ses recherches ont porté pour une large part sur les reconfigurations des activités de gouvernement et de la régulation publique en matière d’environnement et de « développement durable ». Il s’intéresse maintenant davantage aux processus de construction d’alternatives sociales et écologiques, d’une part à travers des formes d’expérimentations et de projets tendant à se situer à l’écart de l’État et du marché, et d’autre part à travers l’imaginaire politique de la science-fiction. Considérant que la science-fiction peut être particulièrement utile pour réfléchir à la manière d’« habiter les mondes en préparation », il a publié en 2018 Hors des décombres du monde. Écologie, science-fiction et éthique du futur (éd. Champ Vallon). Plus récemment, il a prolongé d’une autre manière son regard de politiste sur la science-fiction avec un autre livre : Cyberpunk’s not dead. Laboratoire d’un futur entre technocapitalisme et post-humanité (Le Bélial, collection « Parallaxe »).