Colloque « Gestes et processus dans les arts de la marionnette II » 29 et 30 janvier 2025

Sommaire

En bref

 

Du 29 au 30 janvier 2025
de 9h00 à 18h00

Misha (Université de Strasbourg)
5 allée du Général Rouvillois, 67000 Strasbourg
salle de Conférence

Tram C/E/F arrêt Observatoire

Entrée libre

     Colloque organisé par Marie GARRE NICOARA, Oriane MAUBERT et Shriley NICLAIS , avec le soutien de l'ACCRA, de l'UR 15076 FORELLIS (Université de Poitiers), de l'UR 4028 Textes et cultures (Université d’Artois), de l'Institut International de la Marionnette et de l'association Aviama, dans le cadre du groupe de travail «  ».

     Dans les arts de la scène, l’esthétique, la critique, les recherches historiques se focalisent essentiellement sur les figures de l’artiste-créateur, qu’il soit interprète, metteur en scène, auteur dramatique, dramaturge. Le travail créateur et le travail technique font l’objet d’enjeux distincts, du point de vue de la formation notamment - où s’opère une scission nette entre études techniques et études sur le jeu de l’acteur ou la dramaturgie -, du point de vue de la rémunération et de la reconnaissance également. L’artiste et le travailleur appartiennent à deux catégories bien distinctes, l’une en pleine lumière, l’autre dans l’ombre (voir les travaux menés par la Société d’Histoire du théâtre, notamment le n°285 de la Revue d’Histoire du théâtre « Histoires de travail »  coordonné par Léonor Delaunay, Martial Poirson et Jean-Claude Yon, 2020).

     Cette scission semble moins nette dans les arts de la marionnette, où le geste technique et son implication dramaturgique sont souvent assumé par la même personne face au public. Dans la majorité des esthétiques actuelles, la manipulation est à vue, les coulisses se trouvent alors comme déplacées en scène : les gestes techniques, de construction du personnage, d’agencement de l’espace de jeu, habituellement invisibles sont alors visibles. L’interprète est à la fois personnage, technicien, créateur de formes, monteur autant que montreur. C’est précisément cette entrée technique qui nous intéressera, la persistance de ces gestes, leur visibilité dans le temps de la représentation. Comment envisager la dimension artisanale des arts de la marionnette ? Il s’agirait ici d’appréhender le geste comme une troisième voie, celle que propose Giorgio Agamben dans ses Notes sur le geste (1995). Notant l’opposition dans la pensée d’Aristote (Ethique à Nicomaque) de deux termes : celui du faire et celui de l’agir, opposant production d’un côté et action de l’autre, il propose avec le « geste » une troisième voie (« l’envers de la marchandise »)  où il ne s’agit plus de produire ou d’agir mais de « supporter » ou « assumer ». Rapprochant geste de la « gestion », de l’organisation, de la gouvernance (la gouvernante étant cette « professionnelle de l’invisible, dont le travail devient visible quand il est mal fait »), le geste est ce qui soutient silencieusement, ce qui est continu, souterrain, ne fait pas évènement. Le geste est d’ailleurs souvent frappé du soupçon de l’anecdotique, au contraire de l’action.

     Il ne s’agira pas tant de saisir comment la marionnette figure tel ou tel geste (ce geste en marionnette) mais de porter un regard sur l’interprète et la fabrique, d’explorer de façon systématique un geste à travers des échanges avec des praticien, constructeur, artistes.

     Que se passe-t-il dans les « coulisses » des spectacles : autour et derrière la scène autant qu’en amont de la représentation ?

     Il s’agira de saisir quels peuvent être d’une part les gestes communs à la création en marionnette, gestes de construction, gestes qui se déploient dans l’atelier ou gestes exploratoires au cours du processus de création et les gestes singuliers, spécifiques à une technique, une esthétique : « l’arpentage » pour la compagnie Les Mains Sales, « glaner, ramasser, entasser » pour la compagnie Turak, « bricoler » pour le Théâtre de la Licorne,… Cette exploration sera aussi celle des lieux de la création (depuis l’influence poétique de ce qu’on voit par la fenêtre de l’atelier, mais aussi l’influence économique : combien de scénographies, de choix de matériaux se sont élaborés en fonction de la taille du camion que possédait la compagnie ?) et de ses temps (du moment de la création à celui du plateau, quelles persistances ?).

     Que reste-t-il du geste rêvé dans sa confrontation à la matière / au public ? Comment se transmettent les gestes de création ? Comment envisager la persistance ou l’effacement de la main dans les pratiques de la marionnette contemporaine ?

     Comment appréhender les degrés, déplacements, décadrages du geste ? Les créations de Claudio Stellato montrent bien comment un geste de travail (fendre du bois à la hache, repeindre un mur), pris à un degré d’intensité supérieur deviennent du cirque.

     Le colloque international « Gestes de la marionnette » est pensé en 3 volets, respectivement dans les universités d’Artois à Arras (18-19 avril 2024), Strasbourg (29-30 janvier 2025) et Poitiers (printemps 2025).

     Le premier volet arrageois, intitulé « Gestes de travail : fabriquer, créer transmettre » s’est focalisé sur les gestes de construction, leur transmission dans les lieux de formation, comme dans la reprise de répertoire d’une compagnie, la notion de patrimoine gestuel dans les formes contemporaines comme historiques de différentes traditions, la place des constructeurs dans le processus de création des spectacles.  Il s’est structuré en quatre axes, donnant la parole à autant d’artistes que de chercheurs C

  • « Gestes de travail, artisanat et fabrique en scène » interrogeant les coulisses exhibées, l’atelier inclus dans la dramaturgie, et la place de la main au plateau ;
  • « Créatrices et matrimoine » se penchant sur le travail de Claire Dancoisne et sur le film de Noémie Géron Les marionnettes naissent aussi ;
  • « Gestes de fabrique, gestes d’animation : quelles transmissions ? » ;
  • « Formation et transmission à l’international »  explorant les pratiques pédagogiques en Allemagne, France et Ukraine.

     Le deuxième volet strasbourgeois entend désormais étudier la place de la scénographie en arts de la marionnette selon un spectre large : de la maquette dans l’atelier, au castelet traditionnel en passant par les plateaux immenses ou infiniment petits, jusqu’aux projections lumineuses et de mapping. Comment scénographier la marionnette ? Quelles sont les problématiques spécifiques que les arts de la marionnette soulèvent pour les scénographes et constructeurs ? Et comment est alors pensée la place des marionnettistes dans ces espaces ? En prenant appui sur la définition du geste propre aux études en danse (Christine Roquet) et en anthropologie (Marcel Jousse) où le geste est présenté comme signifiant, intentionnel, chargé, là où le mouvement serait essentiellement fonctionnel, quels sont les gestes du la scénographe contemporain pour les arts de la marionnette ? Boîte, loupe, forêt de cordages, castelet, écran... les espaces scénographiques pour marionnette regroupent les problématiques des objets et des corps à animer, éclairer, mettre en mouvement, ainsi que les jeux de révélation/dissimulation. Par les gestes de scénographie, l’espace marionnettique est habité voire hanté des présences réelles ou induites, matérielles ou fantasmées.

     Le troisième volet poitevin est en cours de construction, et abordera notamment la question de l’exposition et des gestes de réparation sur des plans autant poétiques que techniques.